Elisabeth - Zito

Il la regardait maintenant avec un air gentiment moqueur. Sa question ne la surprit pas et elle hocha la tête pour dire oui.

”Je ne suis pas douée de mes mains, je suis très maladroite. Et mes dessins sont dignes de ceux d’un enfant de 4 ans… Alors j’imagine que le regard des autres me fait un peu peur aussi...

C’était vrai, hélas. Même lorsqu’elle devait colorier, elle en foutait partout et dépassait sur chaque ligne de son dessin. Pourtant, elle aimait vraiment beaucoup ça. Sentir le crayon défiler sur le papier, créant des formes indéfinis au début et qui petit à petit forme un tout. Cette capacité à pouvoir créer des choses qui n’existent pas et les faire vivre. Donner la vie, en somme. Cette idée la passionnait mais elle n’avait pas été assez forte pour l’instant pour essayer de s’y mettre vraiment. Elle regarda autour d’elle, la nuit était maintenant bien présente et il n’y avait plus foule dans la rue. Pourtant elle se sentait bien, en sécurité. Elle repensa à la tasse de thé chaude qu’elle n’avait pas eut le temps de boire et regretta de ne plus être au chaud.

”Un autre de mes défauts est d’être très frileuse alors, ça te dit qu’on se mette à marcher un peu ?

Elle n’osait plus vraiment lui proposer un bar ou quelque chose d’autre, elle ne savait pas vraiment quand est-ce qu’il comptait partir. Et bien qu’il commençait à se faire tard pour elle aussi, la dernière chose dont elle avait envie, c’était de rentrer seule.

Une intuition intime obligea Zito à ne pas prolonger son sourire plus longtemps. Il avait beau trouver cette peur étrange, il n'était pas là pour juger. Et de toute façon il préférait bien largement savourer le fait d'avoir eu sa réponse, sa confession et la preuve de sa confiance.

-Tu sais... Dessiner pourrais t'aider à être moins maladroite. Avança-t-il. Et rien ne t'oblige à montrer tes essais si tu as si peur du regard des autres... Venant de Zito, il n'y avait rien d'étonnant à ce qu'il conseil à la jeune femme qu'elle se cache pour vivre son rêve. Car, comme elle avait déjà dû le découvrir, il n'était pas de ceux qui aimaient s'affronter aux avis des autres.

-Tu ne devrais pas t'arrêter pour si peu ! Tu as juste besoin d'un peu d'entrainement. Si ça te plais tu n'as pas à attendre l'approbation des autres. Lança-t-il avec ferveur, se rendant compte en s'écoutant, qu'il pouvait très bien se donner ce conseil à lui-même...

C'est à ce moment qu'elle lui proposa de marcher, indisposée par le froid. Pour sa part, il n'y était pas si sensible, mais il devait avouer que la chaleur lointaine du thé était regrettable... Sa faute à lui, évidemment, ainsi accepta-t-il sans rechigner sa demande. Alors qu'ils déambulaient dans les rues, le jeune lycan se mit à penser à ce vampire, celui qui été venu saluer Eli, pour la première fois il commença à s'interroger sur la nature de la relation que la jeune femme et lui avaient partagé, et si cette relation était en lien avec le faite qu'elle sache. Pendant un instant, Zito se posa une question glaçante : appartenait-elle à son troupeau ? La question fit naître un frisson désagréable au creux de son dos et il s'entendit demander avec une certaine tension, qu'il essayait pourtant de réprimer :

-Elisabeth, je peux te poser une question ? Comment ça se fait que ... sache ? Pour moi et ton ... ami. Prononcer ce mot sans grimacer ou gronder lui demanda toute sa concentration.

-C'est lui qui te l'a dit ? En posant la question Zito s'imaginait une scène totalement incongrue où le vampire expliquait sa nature à la jeune femme avant de la "boire" dans le plus grand des calmes... Il en avait l'estomac aux bords des lèvres.

Les réflexions apportés par Zito était vraies en soi. Le dessin avait cela de bien qu'on était effectivement pas obligé de montrer ses œuvres. Mais... A quoi bon alors, dessiner ? Et puis, si il n'y a personne pour critiquer ce que l'on fait, comment progresse t-on ? Elle voyait bien qu’il essayait de l’encourager, comme elle l’avait fait un peu plus tôt pour lui. Et ça la fit sourire. C’était agréable de sentir soutenue.

”Tu as tout à fait raison Zito…. Elle hésita à remettre sur le tapis le pari qu’elle avait lancé plus tôt. Mais n’était-ce pas une soirée unique ? C’était l’impression qu’elle en avait.

Ils s’étaient mis à marcher depuis quelques temps. Un silence s’était installé, mais pas de ceux qui étaient gênant. Elisabeth prenait le temps de réfléchir à son envie d’apprendre à dessiner. Elle se reposait les questions qu’elle s’était déjà posée mille fois. Devait-elle prendre des cours ? Apprendre toute seule ? Elle fut coupée dans sa réflexion par une question de Zito plus que pertinente. En tant qu’humaine, comment pouvait-elle connaître les loups-garous et les vampires ? Elle avait senti toute l’animosité lorsque Zito avait parlé de son “ami”. Elisabeth tourna la tête vers lui. Elle sentait qu’il s’imaginait des choses avec le vampire mais elle n’aurait su dire quoi sur l’instant. Elle n’avait jamais prit le temps de se renseigner sur les créatures de la nuit et leurs coutumes. Et elle n’avait pas vraiment eu de cours dessus non plus puisqu’elle avait choisit de suivre un cursus humain “normal”. Et soudain lui revint en mémoire l’idée que les vampires possèdent parfois des troupeaux, pour se nourrir. Etait-cela qu’il avait imaginer ? Rapidement, elle prit la parole

”Tu penses que…”Elle ne sut pas comment dire les choses alors elle ne termina pas sa phrase. Devait-elle lui avouer qu’elle était hunter ? Bah, elle lui avait déjà dit qu’elle savait, il était naturel qu’il sache pourquoi. Elle secoua la tête et reprit la parole. ”Je suis une hunter… Je sais que je ressemble pas vraiment à une vraie hunter, enfin je veux dire… Je ne sais pas me battre, je connais à peine les créatures de la nuit… C’est même la première fois que j’ai conscience de parler à un loup-garou…
Elle releva la tête timidement vers lui. Qu’allait-il répondre à cela ? Elle se mit à imaginer à son tour des choses incongrues. Et si Zito était aussi effrayé par les hunters que par les vampires ? Ses pensées l’avaient emmenée si loin qu’elle ne vit pas la poubelle devant elle et s’étala presque dessus.

”Ah…” Elle soupira. Pardon je suis maladroite.

Spoiler:

Zito n'était pas serein. A vrai dire, il ne savait pas s'il avait bien fait de poser sa question. Maintenant qu'il y réfléchissait, il se disait qu'il avait peut-être mis les pieds dans une sale affaire. Certaines portes étaient mieux closes... Qu'allait-il faire s'il apprenait qu'elle appartenait à un troupeau ? Lui qui trouvait cette pratique répugnante ? Que pouvait-il faire ? Elle pouvait très bien, pour une raison obscur, accepter sa condition... De quel droit pourrait-il réagir alors ?

Trop de questions... Beaucoup trop. Mais quand la réponse qui tomba fut si loin de ce que Zito avait imaginé que sa première réaction ne fut qu'un éloquent :

-Quoi?!

Son ouie avait du lui jouer des tours. Cela ne pouvait-être que cela... Un fracas le fit sortir de ses pensées. La jeune femme venait de percuter une poubelle. Devant cette scène, et toujours sous le coup de la révélation, le lycan affichait un air sincèrement perdu...

-Mais ... Mais tu m'as dit que tu étudiais la psychologie. Pour être psychologue... Marmonna-t-il, se demandant comme ce bout de femme, aussi pleine de maladresse que de douceur pouvait être une hunter... Sans se l'expliquer il se sentait étrangement trahi.

Elisabeth sursauta. Elle ne s’attendait pas à une telle réaction de la part du lycan. Lorsqu’elle releva les yeux, elle vit un visage confus et surtout… Une pointe de déception ? La jeune femme était à son tour très confuse. Qu’est-ce qui pouvait générer autant d’émotion ? Le fait qu’elle soit hunter ? Elle baissa les yeux, tourna la tête et arbora à son tour un visage triste. Elle ne comprenait pas la réaction de Zito. Doucement, elle entreprit de lui expliquer, sa voix était faible, presque inaudible au début.

“Je suis étudiante en psychologie… Pour le compte de la guilde. Je n’ai de hunter que le nom au final.. Je n’ai même pas d’arme. Je suis une humaine normale qui sait juste pour les créatures de la nuit.”
Elle marmonna en tournant la tête, tout bas.
“Je n’aime pas la violence…”

Elle finit par lâcher un soupir. Ils n’avaient pas repris leur marche et Elisabeth se trouvait toujours non loin de la poubelle qu’elle avait percuté. Elle termina en ajoutant :
“Je ne pensais pas qu’être un hunter aurait été un problème de toute façon…”

Le regard de la jeune femme se fit fuyant. Alors que Zito cherchait à le confronter, à y lire clairement les sentiments de la jeune femme, ceux-ci s'obstinaient à regarder cette maudite poubelle. Alors quoi ? Elle jouait la blessée maintenant ? Mais c'était elle qui lui avait menti ! Non ?! Le lycan fronça les sourcils, étrangement agacé. S'il ne se privait pas de fuir, lui, il s’agaçait souvent de voir les autres en faire de même avec lui. On dit qu'il est difficile de supporter ses propres comportements quand ils sont portés par d'autres, et c'était bien le cas pour Zito.

Pourtant, sa mine contrariée se dissipa bien vite quand le voix menue de la jeune femme se porta jusqu'à lui. Après un instant de perplexité, il laissa le soulagement s'afficher sur son visage.

-Alors... Ça veut dire que tu n'as jamais tué personne en fait ? Questionna-t-il, laissant transparaitre l'avis stigmatisant qu'il avait nourri sur elle à l'instant même où elle lui avait dévoilé son secret. Il faut dire qu'il y connaissait pas grand chose à la guilde, voir ... Carrément rien. Lorsqu’il devait imaginer la chose, c'était toujours le même schéma qui se présentait à lui : un gros flingue très viril qui venait repeindre les murs en faisant sauter la cervelle d'un être de la nuit qui avait vraisemblablement fait un pas de travers.

-Je comprend pas trop... Pourquoi être psychologue pour le compte de la guilde ? C'était pour quoi ? La torture morale ? La manipulation mentale ? Ça ne pouvait être que ça. Les hunters étaient de tueur de naissance après tout, c'est pas comme s'ils pouvaient souffrir de ce qu'ils faisaient de mieux ? Non ?

Zito parut soulagé d’apprendre qu’elle n’était pas une “hunter” au sens où il l’imaginait. Il avait l’air d’avoir une représentation bien construite et totalement erronée de ce que pouvait être en réalité un hunter. C’est pourquoi il avait si mal réagit. Elle pouvait comprendre, les préjugés lorsqu’ils sont ancrés, ont un pouvoir monstrueux sur les gens. Mais tout de même, elle se sentait blessée par ce comportement si peu ouvert.

Elisabeth, tuer quelqu’un ? Est-ce qu’il l’avait bien regardée ?! Et puis c’était quoi encore ce jugement à la con ? Hunter = tueur ? Elisabeth s'agaçait. Le regardant droit dans les yeux elle riposta :

“Mais qu’est ce que tu crois, que si t’es hunter t’es forcément un tueur ? Tu te rends compte de ce que tu dis ? Alors quoi, c’est nous les monstres maintenant ?!”

Elle regretta immédiatement de s’être emportée. Ce n’était pas dans ses habitudes, de manière générale elle savait garder son calme.

”Je ne voulais pas dire ça…”

Elle finit par rajouter, soutenant toujours son regard.

”Tuer n’est pas un acte anodin et ce pour personne. Pourquoi être psychologue à la guilde ? Les hunters sont des humains quoi que tu en penses, avec des sentiments, positifs ET négatifs. JE suis humaine, je ressens des choses et tes préjugés stupides me font mal. Tu ME juges alors que tu ne sais absolument rien de moi, cela te paraît juste ?

Elle baissa la tête et soupira/

”Je veux être psychologue pour faire le bien autour de moi, à quel point cette ambition est-elle éloignée de ta vision des choses ?”

Il ne fallut qu'une fraction de seconde à Zito pour comprendre qu'il avait franchi la limite... Que ses paroles, qu'il avait cru anodines, avaient blessé la jeune femme. Il le vit au regard qu'elle lui adressa et avant même qu'elle ne lui réponde, il avait sentit le frisson de honte lui dévaler l'échine.

Alors qu'elle s'emportait, il se figea, attendant que l'orage passe, laissant la véracité de ses paroles le gifler comme il se devait. C'est vrai, il avait fait un raccourci... Peut-être parce que ça facilitait les choses d'imaginer que les hunters, ces figures si obscures et sanglantes, n'avaient rien à voir avec lui et ne pouvaient souffrir des mêmes maux que lui...

Ce fut à son tour d'avoir le regard fuyant.

-Je suis désolé... Et il l'était, sincèrement...

-C'est juste que... Il pensa à Mery et à son flingue. Celui qu'elle avait braqué sur lui... Elle n'avait pas tiré ce jour là. Elle en avait eu l'intention... Peut-être oui, mais sa mémoire ne lui faisait pas défaut : c'était lui qui avait attaqué le premier.

-J'y connais pas grand chose aux hunters... Confessa-t-il. Ainsi donc, ils pouvaient aussi souffrir de tuer ? Alors... Pourquoi le faire ?  

-J'voulais pas dire qu'ils étaient des monstres... Enfin... peut-être bien que c'est ce que j'ai dit mais... C'est juste : ils tuent des vampires, des loup-garou aussi, c'est leur job... Pourquoi le faire si c'est pour finir névrosé ?